À l’attention de Monsieur Jupiter, Dieu des dieux.

Cher Monsieur Jupiter, cher français, mon cher compatriote,

Depuis le 7 Mai 2017, vous vous êtes vu attitré le divin statut de responsable officiel du système républicain du beau pays de laïcard qu’est la France, en tant que Président de la République Française, Chef des Armées, coprince d’Andorre, premier et unique chanoine honoraire de Latran, Protecteur de l’Académie française, Grand Maître de la Légion d’honneur, et Champion de la Terre.

Cher Monsieur Jupiter, vous avez décidé, le dominical 13 Janvier 2019, de vous adresser à la France toute entière, au travers d’une lettre, pour répondre aux revendications des Gilets Jaunes. Aussi, j’ai été éduqué par une maman qui me signifiait constamment l’importance de répondre aux voeux du nouvel an de Tata Éliane. Votre missive me pousse à croire que si vous écrivez à chaque français aujourd’hui, c’est peut-être que, comme ma tati, vous êtes en cruel manque d’amour. Il faut dire que vous n’êtes pas bien haut dans les sondages d’opinion, sorte de dépression du premier de cordée. Il n’a pas dû être facile de trouver un compromis entre une carte postale du pied des pentes de La Mongie et une lettre de démission. Ainsi vous me voyez faire œuvre d’autant de foi que de citoyenneté en vous confiant mon indéfectible soutien ainsi que ma bonne-humeur bienveillante, à mon tour au travers d’une lettre ouverte, puisque « l’écrit demeure, l’écrit engage » comme l’a dit un jour un autre grand président de la République.

Tout a commencé quand ce dernier, Monsieur Nicolas Sarkozy, a rendu obligatoire à l’intérieur de chaque véhicule un gilet jaune de haute visibilité. Avant d’être interdit à Grand-Bourgtheroulde, le vêtement préféré de Karl Lagerfeld fut obligatoire à toute sortie d’urgence de son véhicule. Le président de la République aujourd’hui décrié par les affaires, ou président de la Ripoublique, a ainsi fourni, sans le savoir, l’élément emblématique de la contestation et du grand débat aujourd’hui en France. Il serait dommage de ne pas le lui rappeler.

À chaque élection de président, un espoir, et ce fut également le cas pour le gélatineux président de la République suivant. Il promettait notamment la fin de l’ennemi financier. Bon, on se doutait bien qu’on allait être un petit peu déçu. Quoique quand même pas à ce point-là… On aura ainsi vu plusieurs manifestations de clochards, chômeurs, alcoolos, étudiants en histoire de l’art et intermittents du spectacle se réunir en assemblées générales dans un vide dimensionnel sans argent ni pouvoir, gesticulant les mains dans tous les sens pour valider ensemble que tout le caviar politique se payait leurs têtes, jours et nuit debout. C’était les prémices de notre belle lacrymocratie.

C’est alors que vous, cher Monsieur Jupiter, jeune et dynamique ministre de l’Économie, vous présentez à la présidentielle de 2017, afin de réformer la France, tout en prétendant que c’est impossible , parce que vous n’êtes pas à quelques contradictions près pour gagner une élection. Le plus grand coup de bluff depuis Jésus Christ. Vous êtes élu président de la République avec l’incroyable score de la plus grande abstention depuis les années ’70, au second tour, contre Marine Le Pen. Quand même, ça se respecte !

C’est ainsi, cher Monsieur Jupiter, non content d’avoir détrempé votre prédécesseur, que vous êtes venu des cieux pluvieux, vous le plus fort, le plus impétueux, le Balthazar Picsou de la politique, pour “révolutionner” notre pays et nos institutions. Les plus modérés vous qualifieront “d’arme fatale” (Jacques Attali), de “collecteur de rayons de soleil” (Peter Sloterdijk), “d’empereur providentiel” (Christophe Barbier). Des éloges qui incitent aux oxymores d’une vision aveugle en la confiance technocratique. Vous ne vous présentez alors avec non pas un parti politique (sorte d’organisation archaïque où tout le monde se bat comme chiens et chats), mais un mouvement (organisation moderne de personnes qui suivent comme des moutons). Vous ne présentez pas un programme (sorte de vieux concept ringard de mesures exhaustives), mais un projet (concept tout trouvé de flou artistique). Enfin, vous ne présentez pas des idées de gauche ou de droite, puisque vous n’êtes ni de gauche, ni de gauche.

Vous avez montré que vous étiez capable des réformes les plus difficiles et importantes. La vaisselle de l’Élysée ne devrait coûter qu’un demi-million d’euros. Pour les moquettes de l’Elysée, c’est pareil, mais pour le même prix, on a les rideaux avec. Et c’est probablement de la super qualité, ces rideaux. Il les faut bien opaques, pour parfaitement occulter les fenêtres, qu’on ne puisse pas voir de l’extérieur comment ça se passe.

Dans les bonnes idées de votre quinquennat, il y a aussi le prélèvement à la source. Il faut admettre que celui qui n’a pas un rond, il est habitué. Une bonne TVA, c’est à la source, finalement. J’attends donc avec impatience la suite logique. À quand le prélèvement à la source des revenus sur les dividendes ?

Cher Monsieur Jupiter, notre beau pays avait besoin d’une nouvelle économie, afin que chacun puisse se payer l’élément apparemment primordial du républicain : un costard, à défaut de véritablement se remonter les manches pour mettre les mains dans le cambouis de la politique. Certains refusent d’écouter un nanti affirmer connaître les plus démunis. Évidemment, on peut toujours croire que les riches connaissent mieux ce qu’il faut pour les pauvres que les pauvres eux-même. On peut aussi affirmer que Jean-François Copé est le mieux placé pour parler du marché de la viennoiserie, que Gérald Darmanin connaît mieux que quiconque les droits homosexuels, et que Jérôme Cahuzac se préoccupe vraiment de la Justice Fiscale.

Pour autant, vous ne vous êtes pas laissé démonter, et vous avez quasiment respecté votre promesse de campagne : plus aucun SDF dans la rue avant la fin de l’année 2017. Alors évidemment, il y a toujours les récalcitrants, ceux qui, par choix refusent un toit avec une certaine suffisance. Ils se baladent en duvet Quechua pour montrer qu’ils sont différents. Ils prient qu’on leur donne de la nourriture quand ce n’est pas l’heure de manger. Ils traînent sur les trottoirs et dans les gares au milieu des startupers pour que vous en fassiez de beaux discours. Et puis, c’est évident, s’ils sentent mauvais, c’est par caprice, notamment au moment de leurs obsèques volontaires.

Aussi, cher Monsieur Jupiter, je tiens personnellement à vous féliciter. Vous guidez notre République dans le droit chemin, et particulièrement en ce qui concerne votre projet écologique. Il faut dire qu’on a bien avancé sur les touillettes. Si l’administration garde sa lancée sur le réchauffement climatique, le nucléaire, la déforestation, les perturbateurs endocriniens, la biodiversité, l’arrêt des subventions aux énergies fossiles et le bien-être animal dont vous avez rejeté la plupart des revendications populaires, c’est vrai qu’on a aucune chance de sauver la planète, mais au moins, avec la fin des touillettes, on pourra enfin prendre un café qui n’aura pas un gout de plastique au bureau, et franchement, on n’est pas loin du sauvetage de l’humanité. #MakeOurPlanetGreatAgain

La population française n’a de cesse que de faire des efforts en termes d’écologie. À force d’entendre les gouvernements, dont le vôtre cher Monsieur Jupiter, dire que c’est parce que le consommateur deviendra consom’acteur que l’industrie changera, nos habitudes ont quelque peu évolué. Personnellement, j’ai arrêté ma consommation de caviar et de foie gras pour le bien-être animal. Je prends le bus plutôt que mon chauffeur privé et le train plutôt que mon avion personnel. Aussi, je n’ai pas le moindre doute que de votre côté, vous avez arrêté les cordons bleus premier prix et faites dorénavant pipi dans la douche pour ne pas gaspiller l’eau des toilettes.

Pour autant, malgré vos efforts surhumains, la contestation gronde. Sont apparus des détracteurs tout habillés de gilets jaunes et de grandes revendications sociales. Deux choses qu’on n’aime pas trop porter au gouvernement. Des gaulois réfractaires à une augmentation de 6 centimes de taxe sur les carburants. Il faut dire qu’on parle d’une taxe environnementale dont seulement 20% se destine à sauver la planète. Et les français ne sont pas idiots. Ils veulent un avenir pour leurs enfants. Alors ils se sont mis à bloquer les carrefours pour que les gens consomment plus d’essence. Ils ont ouvert les péages pour nous inciter à utiliser nos Mercedes. Ils ont bloqué les magasins pour qu’on n’ait rien d’autre à faire que consommer du gazole. Les français, ils sont comme ça, ils aiment vraiment l’environnement.

Notre gouvernement s’est d’abord félicité de cette prise de conscience politique trans-partisane où des citoyens se sont regroupés pour discuter. Seulement, cher Monsieur Jupiter, force est de constater que l’art vivant, ce n’est pas votre truc. Il y a déjà le 1% culture pour décorer les ronds-points avec mauvais goût. Pas besoin d’y mettre des prolos dessus. La solution était toute trouvée, protéger les citoyens qui n’ont pas un rond en menaçant de les verbaliser de 4.500,00 € d’amende et deux ans de prison, pour… c’est quoi le motif déjà… Ha oui, entrave à la circulation. J’ai hâte de voir cette règle s’appliquer à ceux qui nous proposent de rouler sur la nationale à 80 km/h. Note au passage que cette mesure m’apparaît un peu laxiste. Nous sauverions beaucoup plus de vies avec des routes limitées à 10 km/h. Moi, je dis ça, je suis là pour vous donner des idées.

Ensuite, ils se sont regroupés devant l’arc de triomphe pour protester pacifiquement. Pourtant, vous comme moi, on leur a bien dit que ça ne servait à rien, et que la dernière fois qu’une manifestation avait donné des résultats, elle n’avait plus grand chose de pacifique, et c’était il y a plus de 50 ans. Mais bon, on y entend alors beaucoup de revendications : réinstauration de l’ISF, création de minima de retraites à 1.200,00 €, un Référendum d’Initiative Citoyenne… Bref, tout et n’importe quoi. Au début, on a même entendu « la police avec nous ». Il y a bien quelques Gilets Bleus qui ont voulu rejoindre les gens qui ne sont rien, mais la police a été écoutée dans des circonstances bien plus rapides qu’administratives. Monsieur Christophe Castaner a dit qu’il était intolérable que leurs heures supplémentaires ne soient pas payées, sachant qu’il allait leur en demander encore de nombreuses. C’est ainsi, Cher Monsieur Jupiter, que vous débloquez quelque 274 millions d’euros pour éviter de vous attirer les foudres de vos impérieuses troupes. Les “gardiens de la paix” – terme devenu “forces de l’ordre” aussi aisément qu’on transforme le terme de “manifestant” en “handicapé” – peuvent alors confortablement faire leur travail qui est, je le rappelle, de protéger les manifestants de… d’eux-mêmes.

Devant des colères aussi fortes, les plus grands médias, quatrième pouvoir et protecteurs de notre belle démocratie ont fait un véritable et honorable travail journalistique d’investigation, non pas dans une banale dictature, non pas sous des tirs nourris de kalachnikov, mais bel et bien sur ces plates-formes périlleuses que sont les réseaux sociaux. Qu’aurions-nous pu faire sans eux ? Aller voir nous-mêmes ? Quelle horreur, nous ne sommes pas habilités, nous pauvres citoyens qui n’avons rien d’autre à faire que regarder la télévision. Nous ne savons pas différencier des informations vérifiées des fake news. Heureusement, il y a BFMTV pour mettre en avant les petites manifestations de bourgeois avec une écharpe rouge, probablement en hommage à l’objectivité et la valeur journalistique de Christophe Barbier.

On entend sur ces chaînes de propagandes gouvernementales d’informations, cher Monsieur Jupiter, que les journalistes se voient repoussés des manifestations. Un déni de démocratie qui n’a rien à voir avec les images de routes dépavées par les manifestants, qui s’avèrent en réalité être le résultat des travaux de la voirie. Cela n’a rien à voir avec le bâtiment du journal Le Parisien mis en feu par des Gilets Jaunes, qui en réalité proviennent d’un départ de feu accidentel. Tout cela dans un cocktail de mensonges et de désinformation aussi subtile que de dire que Patrick Drahi aime la Suisse pour ses montagnes. Car si on peut entendre des revendications raisonnables sur certains ronds-points, comme celle qui consiste à appliquer plus rapidement le programme de l’Exécutif, il faut avouer qu’il n’y a pas beaucoup de prix Nobel chez les Gilets Jaunes. Chez les journalistes et les politiciens non plus, c’est vrai, mais quand même. Le manifestant, il aime juste casser. Ainsi, n’allons pas chercher la destruction d’un symbole politique quand ils s’attaquent au Fouquet’s. Et puis, quand ils mettent le feu à un kiosque, c’est par réflexes de dangereux pyromanes, pas pour critiquer notre irréprochable presse française.

Cher Monsieur Jupiter, je veux vous faire part de mon profond soutien dans l’application de votre politique libérale, en particulier vis-à-vis des casseurs. Car ce qu’il y a de bien avec le capitalisme, c’est que celui-ci grandit aussi des nuisances. Ce n’est pas à vous que je vais faire la leçon, mais pour rappel, en économie, on compte les frais pour creuser un trou, ainsi que les frais pour le reboucher, même si cela n’a finalement servi à rien. Et on en a vu des vitres cassées, des murs tagués, des rues dépavées, des poubelles brûlées, une Marianne Rodriguezée. Des nuisances qui créent de l’emploi. Car ils font travailler les vitriers, les services de la voirie, les marchands de poubelles, les sculpteurs et restaurateurs, les pompiers, les assureurs, les choux-gras, la police, les avocats et juges, les médecins urgentistes, les politiciens et même… vous, cher Monsieur Jupiter. Accordons leur notre respect, car on n’est pas loin des plus grands créateurs d’emplois, même si vous en détenez la palme, à faire mine de ne pas les entendre.

Le peuple rêvait du retour d’une nouvelle police de proximité. Une promesse rondement menée. En effet, les manifestants n’ont pu contredire une certaine proximité avec les matraques. Chacun d’eux est ainsi en mesure de goûter de leurs impôts en pleine tête à coup de LBD-40. Évidemment, il a fallu rappeler aux tireurs d’élite qu’il ne fallait pas viser la tête. Mais avec un entrainement au tir de 5 balles tous les 3 ans, difficile de différencier la bavure volontaire de la responsabilité préfectorale et ministérielle. Après 11 morts « bêtes » -C’est ballot- et quelque 4.000 blessés dans les manifestations, certains demandent à minima de retirer de la circulation les LBD-40 à défaut des violences policières dont même l’ONU s’interroge. Pourtant, imaginez une seconde que l’arsenal de la police soit seulement constitué de pistolets à eau comme Alexandre Benalla. La police a besoin des flashballs, ça crève les yeux ! Quoi qu’il en soit, le gouvernement a décidé de mettre en place des caméras de sécurité, sur chaque agent porteur de cette arme, qui s’enclenchent sur action du policier. Une bonne idée si on veut faire un best of de personnes qui se ramassent par terre. Qu’est-ce qu’on se marre au ministère de l’Intérieur ! Pourtant, une victime imputée à la police est à déplorer. Monsieur Castaner a fait preuve de déscernement. C’est comme faire preuve de discernement mais avec une faute de petite frappe. Réjouissons-nous, aujourd’hui, l’armée peut intervenir à coup de FAMAS pour dissuader les manifestants de casser des vitrines aussi translucides que la vision politique actuelle. Cher Monsieur Jupiter, vous qui avez un sens de la proportion, j’espère que l’on n’aura pas à en venir à l’usage de la force atomique contre ces quelques terroristes d’un nouveau temps qui agitent le drapeau français avec un vieux machin qu’ils appellent “constitution”.

Cher Monsieur Jupiter, vous avez tenté de raisonner votre peuple, par une lettre adressée à chaque français, et l’avez asséné de 35 questions. 35 questions… C’est beaucoup quand même. Même mon petit voisin de 8 ans, il ne pose pas autant de questions. Pourtant, les siennes ne sont pas dénuées de sens :
“Pourquoi je dois plier les serviettes quand je débarrasse la table, avec un argent de poche aussi précaire ?”
“Pourquoi grand-mère qui a travaillé toute sa vie gagne moins bien sa vie qu’un député qui a travaillé moitié moins ?”
“Si le coq est l’emblème de la France, pourquoi les autres volailles vivent à 17 au mètre carré ?”

Aussi, cher Monsieur Jupiter, oh, grand esprit omniscient, vous avez quand même voulu régler le problème par le questionnement, et proposé un grand débat national que vous avez sérieusement « burné ». C’est comme « borner » un débat, mais en posant l’ensemble de ses obligations boursières sur la table.

Sur demande de vos concitoyens sont apparus des cahiers de doléances, ou de condoléances c’est selon. Aussi, avant de vous aider à mettre en lumière les différentes revendications des français, j’aimerais établir un petit postulat qui m’apparaît important. Voici donc une représentation honteusement sérieuse qui fera aux seuls amateurs de la gaudriole, sauter, à tort, ce très didactique graphique bleu blanc rouge :

Salaires et avantages mensuels nets en France (2018)

Sources : Le Point, Marianne, Challenges, … En raison de l’opacité sur le sujet, le graphique ne tient pas compte des collaborateurs et de toutes les primes et indemnités de fonctionnement des membres du gouvernement actuel, pas plus que les frais liés à la sécurité. Si le graphique devait reporter des erreurs, merci de me faire remonter vos sources pour correction.

Les plus méprisants diront que tout cela coûte un “pognon de dingue”. Mais un haut salaire, ça se mérite. Ce n’est pas parce qu’un député peut embaucher 3 collaborateurs pour faire son travail qu’il ne travaille pas. Demandez donc à François Fillon. Il y a fort à parier qu’il vous dira que ses collaborateurs sont des fainéants payés à rien foutre. Il est ainsi naturel de demander au français de trouver les réponses aux problématiques du pays, au travers d’un grand débat, puisque ceux dont on en rémunère le travail font défaut. Mais soyez rassuré. En plus fervent de vos soutiens, je vais vous aider gratuitement à y voir plus clair, car en réalité, si vous souhaitez trouver des réponses, cher Monsieur Jupiter, point besoin de lettre, de questions, ou de débat. Il vous suffit de traverser la rue.

Il vous suffit de lire les pancartes dans les manifestations. Vous savez, ces phrases écrites sur les bouts de cartons que les manifestants piquent probablement aux SDF, au lieu d’utiliser des slides comme tout le monde. La revendication principale, c’est probablement le retour de l’Impôt Sur la Fortune. Alors oui, c’est surprenant. Moi aussi, cher Monsieur Jupiter, je tombe des nues. Je croyais que ces illettrés voulaient que l’on applique votre programme électoral, mais en fait non. En fait, ce n’est pas du tout ça. C’est pour ça, moi aussi, au début, je ne comprenais pas pourquoi ils n’avaient pas l’air content à l’annonce de vos réductions d’impôts pour les super riches ainsi que les privatisations de la Française des Jeux et des Aéroports de Paris. En fait, c’est sans doute parce que quand on parle de modernisation, le peuple croit qu’on va refaire des travaux et créer des services plus proches de notre technologie contemporaine. Sauf que moderniser la vie publique, ça signifie libéraliser et privatiser, comme tout banquier céleste le sait. D’où le quiproquo.

Ils veulent une justice fiscale. Alors là, je n’ai pas trop compris, mais je crois que ça a un rapport avec l’évasion fiscale, qu’ils trouvent honteuse. Je crois aussi qu’ils ne trouvent pas logique que les grandes multinationales paient moins d’impôts que les PME. Et c’est sans parler des auto-entrepreneurs, les couillons qui n’ont vraiment pas compris que la création d’entreprise consistait à gagner de l’argent.

Ils veulent le Référendum d’Initiative Citoyenne, la proportionnelle ou partie de proportionnelle, la prise en compte totale du vote blanc pour toutes les élections, et la possibilité de révoquer n’importe quel élu. On me dit dans l’oreillette qu’ils demandent aussi cent balles et un mars. Pourquoi pas un système vraiment démocratique, tant qu’on y est! Et puis, cher Monsieur Jupiter, j’ai cherché “référendum” dans le dictionnaire, et je n’ai pas compris ce que ça voulait dire. Visiblement c’est quand on interroge la population sur des questions gouvernementales importantes et qu’on respecte son avis. Vraiment, je n’ai pas compris ce que cela signifiait.

Ils veulent une augmentation des salaires ainsi que des minimas sociaux. A cela, j’ajouterai que j’aimerai bien quelque collaborateurs, moi aussi.

Ils veulent un vrai tournant écologique à partir de l’exemplarité des entreprises et des personnes les plus riches du pays. Va falloir qu’ils descendent de leur nuage, les illuminés.

Aussi, pour redonner du pouvoir d’achat, des mesures simples sont envisageables. Par exemple, supprimer la TVA sur les produits de premières nécessités : le pain, le lait, le riz, les croquettes pour chiens, l’empathie, les fruits et légumes bios, le savon, les couches pour bébés, pour seniors, pour femmes. Et pourquoi pas les cravates, vraisemblablement outil indispensable de la République.

C’est en tout cas la base de leurs revendications, il me semble. C’est beaucoup, c’est vrai. D’un autre côté, cher Monsieur Jupiter, vous l’avez dit vous-même : “Il faut avoir le sens de l’effort”.

Pour finir, j’ajouterai cette piste: donner la transparence totale des comptes publics, de toutes les dépenses, détaillées, graphiquement représentées, vulgarisées, et instantanées, sur internet. Dans l’unique but de démontrer votre sacrée bonne foi.

Cher Monsieur Jupiter, malgré mon soutien, et mon éternelle amitié (et dans amitié, il y a « mythe »), je redoute que ce mouvement de colère que vous tentez d’étouffer ne provoque que son ancrage dans l’extrême blondeur nationaliste. Plus longtemps durera la contestation, plus celle-ci a d’opportunités d’être instrumentalisée. Vous qui avez joué avec complaisance avec Marine Le Pen pour vous faire élire grand souverain, il est peut-être temps d’arrêter de jouer à la roulette russe avec la France.

Aujourd’hui, les français n’ont absolument plus confiance en leurs représentants.

Aussi, cher Monsieur Jupiter, je m’en remets à vous et à votre si suprême ego surdimensionné. Qui sait si vous aurez les moyens de continuer à faire la course sans écraser le personnel de maintenance de votre nationale. Il est peut-être temps de vous mettre “en marche” arrière et d’enfiler vous aussi votre gilet jaune. Car, cher Monsieur Jupiter, on est en droit de s’inquiéter qu’à faire le foufou à l’arrière de votre divine DS, vous finissiez quand même par vous faire doubler. Ne reste plus qu’à espérer que ce serait par un conducteur raisonnable à gauche suite à votre perte de vitesse, et pas par une chauffarde à l’extrême droite qui se délecte de déboucher à toute berzingue sur la bande d’arrêt d’urgence. Mais je sais que c’est comme ça que vous comptez gagner la prochaine course.

J’en terminerai par cette citation :
“Tout cela, me direz-vous, ce sont des rêves. Oui, les français ont par le passé rêvé à peu près cela. Ils ont fait la révolution. Certains même en avaient rêvé avant. Puis nous avons trahi ces rêves par laisser-faire. Par oubli. Alors oui, ce sont des rêves. Ils réclament de la hauteur, de l’exigence. Ils imposent de l’engagement, notre engagement. C’est la révolution démocratique que nous devons réussir, pour réconcilier en France la liberté et le progrès. C’est notre vocation et je n’en connais pas de plus belle.”
E. Macron (Révolution | XO Éditions)

Aussi, cher Monsieur Jupiter, en mon nom et probablement comme celui de beaucoup de français, Je veux vous montrer tout le niveau de ma gratitude et de mon volontarisme en une meilleure France. Permettez-moi de conclure en citant le grand Thomas Enders, annonçant aux employés d’Airbus, l’année de bénéfices records cette phrase qui vous est également toute trouvée: Cher Monsieur Jupiter, “soyez remercié”.

En confiance,

T. BOUILLET