Ma chère banque, fidèle à elle-même, a encore une fois tenté de me soutirer de l’argent injustement. Ça y est, cher Crédit Mutuel, tu vas y avoir droit à ta lettre ouverte !
À l’attention du Crédit Mutuel
Cher Crédit Mutuel,
Tu me connais bien puisque je fais office de pigeon client, depuis que je suis en couche-culotte. Bien que n’ayant pas encore l’âge d’en porter de nouveau, voilà tout de même 20 ans que tu fais partie de ma vie quotidienne. Et 20 ans, c’est long. J’entretiens des activités lubriques depuis moins longtemps que ça. Enfin…, moins longtemps ? Pas sûr, puisque tu t’efforces de titiller mon anatomie sensible depuis presque aussi longtemps. (Je parle de mon cœur, evidemment)
Pourtant, je garde de bons souvenirs de nos premières heures, alors que, tout jeune adolescent, j’ouvris mon premier compte-courant. Monsieur le banquier du Crédit Mutuel, qui avait des bonbons, m’avait offert un « joli » et tout moderne disque compact Crédit Mutuel Collection. Le CD se sentait d’ailleurs si bien dans ma chaîne Hi-Fi qu’il finit par y rester coincé comme un jour où on avale de travers, balayant au passage ma santé mentale. Mais je prenais alors conscience que Monsieur le banquier, il était gentil. Grâce à mon argent et ses capacités de spéculateur, il voulait faire fructifier mon argent de poche de quand je débarrassais la table pour faire de moi un multimilliardaire. Et si en plus je tondais la pelouse et lavais les carreaux, je pourrai un jour demander de m’avancer de quoi ouvrir mon propre manga-café, et obtenir le job de rêve de n’importe quel gamin en devenant moi aussi usurier. Aussi, naturellement, il garderait une part des bénéfices pour lui, afin d’acheter des bonbons et de la musique pour les autres enfants.
Le CD du Crédit Mutuel. Au passage, on note que le nom de l’illustrateur n’est pas mentionné…
En tout cas, c’est vrai qu’une si étroite sodalité mériterait que l’on s’offre des cadeaux mutuels. Et tu n’as d’ailleurs pas manqué de tenter, plutôt régulièrement, de te faire quelques gratifications en douce, des fois que j’oublie, en me ponctionnant injustement une partie de mon pécule durement gagné. Seulement, contrairement à toi, riche groupe qui pèse 669 milliards €, moi, j’en ai besoin pour survivre, là où l’argent est roi, dans ce triste monde rempli de banquiers sans foi ni loi.
Aussi, l’année dernière, suite à une triste affaire entre nous, je t’avais prévenu que cela ne devait plus se reproduire, sans quoi je te quitterai.
C’était un mardi matin. Le soleil brillait encore. Alors que les vacances approchaient, je me préparais au plus beau voyage de ma vie. Un rêve de gosse, outre celui d’avoir une culture musicale dispensée par sa banque : un voyage au Japon. Alors passionné de photographie, et entrant plutôt bien dans mes comptes, je décidais de m’acheter, avec l’argent de mon dur labeur, un magnifique appareil photo plein format Canon EOS 6D et son objectif EF 24-105mm f/3.5 – 5.6 IS STM. Du matériel professionnel alors au tarif imbattable de 1.979€ TTC, rien que ça, pour montrer à la face du monde que j’avais réussi ma vie et pouvoir dire avant mes 40 ans, la sangle encore brillante autour du coup : « Hey, t’as vu ma Rolex ? »
Après multiples vérifications de l’état de mes comptes, de longues études de marché, et d’archéologie en code promo, je valide ma commande sur le site web de Monsieur Darty. Je crois alors être amputé d’un bon mois de salaire, mais c’est avec joie. (Même si elle sera de courte durée)
Monsieur Darty m’envoie un mail.
« Bonjour Monsieur Le Bourgeois, ici Monsieur Darty. On a bien reçu votre commande hors de prix. Elle vous attend en magasin. Mais comme vous n’êtes encore qu’un simple nouveau riche, le règlement a été invalidé par votre banque. Attention, on n’accepte pas les chèques de ce montant, même avec 12 pièces d’identité. »
Alors c’est vrai, je n’ai pas l’habitude de dépenser telle somme. La faute à mon passé d’étudiant-dessinateur-chômeur, qui sait que le blé ne pousse pas sur les arbres, ne m’étant pas encore intéressé à ce projet. D’une certaine manière, j’avoue être assez rassuré à l’idée qu’un paiement de ce montant sur internet puisse être questionné. Pourtant, ce n’est pas faute d’avoir procédé à une confirmation par SMS lors du paiement, ce qui me paraissait être une bonne façon d’affirmer la provenance de l’achat. Pour autant, pas un appel, pas un courrier de ta part, cher Crédit Mutuel, mais un refus catégorique de paiement, sans en faire la moindre mention par un quelconque message sur mon compte client, à défaut d’un vrai mail ou d’une quelconque prise de contact.
Je t’appelle alors, cher Crédit Mutuel :
« – Allo. Bonjour, Madame la conseillère de la banque du Crédit Mutuel. J’ai un problème avec ma commande internet passée grâce à ma carte bancaire Super Mastercard Ultra Gold, en or massif vu son prix, qui est acceptée partout… sauf par la banque émettrice. Je n’arrive pas à payer mon Super Appareil Photo 3000.
– Bonjour, vous êtes bien sur le répondeur du Crédit Mutuel. Je suis dans l’obligation de vous faire connaître mon nihilisme quant à votre situation car je suis actuellement en pause-déjeuner. Je vous invite à renouveler votre appel toute la journée pendant vos heures de travail jusqu’à votre licenciement, car il est évident que nous ne procédons que rarement au transfert d’appel. »
OK, ce n’était peut-être pas dit comme ça, mais ça y ressemblait.
J’envoie donc tout de suite derrière un mail, par sécurité :
« – Au secours, au secours, à l’assassin. Pitié. Carte bancaire. Appareil Photo Rolex. Peut pas payer.
SOS · · · — — — · · ·
– Bonjour Monsieur, nous avons bien reçu votre message. Ne vous inquiétez pas, on va régler le problème rapidement, mais pas sans vous la faire à l’envers. »
OK, ce n’était peut-être pas dit comme ça. Mais ça y ressemblait.
Assez rapidement, je constate que le problème est réglé, mais pas encore que je me suis fait enfler. La sécurité de ma carte bleue est bien momentanément relevée, ce qui me permet d’acheter mon super appareil photo de rupin chez Monsieur Darty, alors hyper enthousiaste à l’idée de toucher une méga-prime en me refilant une assurance que j’ai dû refuser pas loin de 15 fois, avec justificatif de personne soigneuse en trois exemplaires, carte de personne responsable contrefaite, et rédaction filmée d’une lettre sur laquelle je jure sur l’honneur que, si jamais l’appareil devait subir une chute à la sortie même du magasin, je ne pourrais pas venir pleurer avec ma maman. J’y joins aussi l’impression d’une précédente lettre ouverte qui explique bien en quoi quand on te dit qu’un appareil est garanti, ben en fait il n’est pas garanti. Faut dire que ma réponse consistant à lui dire qu’en cas de panne, j’aurai toujours un truc à démonter et un article de blog à écrire, ne semble pas l’avoir rassuré.
In fine, mon flambant collier bling-bling fut à peine plus cher que celui que j’avais initialement commandé. Bah oui, moi, je comptais bien récupérer les 45,00 € de cashback, puisque c’était un achat initialement en ligne. Sauf que du coup, ce ne fût plus le cas. De mon point de vue, cher Crédit Mutuel, tu me dois donc 45,00 €. Mais j’aurais dû mieux lire les dizaines de pages de contrats, grilles tarifaires et autres petites lignes qui expliquent les plafonds de ma carte bancaire, alors, tu sais quoi, je ne vais pas me re-re-re-formaliser sur ce genre de chose.
Quoi qu’il en soit, j’allais pouvoir faire les plus belles photos de nouilles instantanées que le monde ait jamais vu, car enfin, je repartis pauvre, mais agrippé comme jamais à mon nouveau jouet, la peur au ventre de me le faire braquer. J’étais le plus heureux. Tout du moins jusqu’à ce que je découvre que tu m’avais ponctionné 5,00 € (que tu prévoyais de faire chaque mois, en plus de ça) pour l’ajout d’une option, probablement une petite case cochée sur l’ordinateur de Madame la banquière du Crédit Mutuel, sorte de vente forcée qui m’aurait permis de dépenser plus dans la totalité du mois, mais pas de faire de plus grosses dépenses d’un seul coup. Va comprendre la logique.
Et comme à chaque fois, tu ponctionnes en douce. Comment résister à l’idée de goûter une petite part du délicieux gâteau que représentait ma frêle pile de fric.
En conséquence, je t’ai écrit un autre petit mail :
« – Bonjour Madame la conseillère du Crédit Mutuel. J’espère que votre pause-déjeuner se passe bien, parce qu’ici, on a un problème de casse-croûte, car il manque 5,00 € sur mon compte. Merci de vite me rendre cet argent, parce que le ketchup sans les spaghettis, c’est un peu trop sucré.
– Bonjour, Monsieur le client relou qui écrit des lettres dès qu’un truc lui déplait. Bah alors quoi ?! On n’a plus d’argent après l’achat de son Kodak de luxe ? On va vous les rembourser vos 5,00 €, parce qu’on le sait bien que c’est malhonnête, mais on essaie, des fois que ça marche. Sur 29 millions de clients, il y a bien une majorité qui ne viendra jamais gueuler. Car tout le monde ne vient pas pleurer pour 5,00 euros. »
Oui, ok, ce n’était pas dit comme ça, mais j’avais l’impression de recevoir un message de Claire O’Petit.
Ce qu’il y a de marrant, c’est qu’il t’a fallu une journée pour débiter mon compte, mais trois mois entiers pour le recréditer. Allez, comme je suis bon prince, je te fais cadeau de la décimale d’intérêt que l’absence de ces 5,00 € aurait pu engendrer. Mais ne me fais plus ce coup-là, parce que tu étais sur le point de ne plus me revoir.
Et trois mois, ça laisse pas mal de temps pour chercher une alternative à ton organisation mafieuse ta société bancaire. Malgré tout, tu as osé remettre ça. Car tes méthodes semblent être nombreuses, quand il s’agit de picorer allègrement la bourse des gens.
La semaine dernière, j’ai procédé à un virement depuis mon compte Crédit Mutuel sur un autre de mes comptes à la Banque Postale ( qui n’existe plus, parce que… je ne vais pas m’égarer, mais c’est la Banque Postale quoi. ) Forcément, le virement n’a pas pu se faire, et est donc revenu sur mon compte Crédit Mutuel… amputé de 5,35 € avec le motif suivant: « Frais rejet virement »
Je te vois t’esclaffer d’ici, cher Crédit Mutuel, et toi lecteur qui ris jaune parce que tu es déjà passé par là, mais explique-moi une chose, cher Crédit Mutuel. Si le détail tarifaire affiche bien une telle absurdité, comment justifies-tu une somme pareille pour un acte totalement automatisé ?
Parlons technique. D’abord, j’aimerais comprendre comment mon argent peut être débité de mon compte dans ce cas précis. Bah oui, restons logique, s’il n’existe aucun compte à créditer, il n’y a donc pas lieu de débiter quoi que ce soit. Prenons un exemple à ta hauteur, donc simple. Si je veux faire passer une pièce de ma main gauche à ma main droite, mon banquier prend la pièce dans la main gauche et la dépose directement dans ma main droite. On pourrait naturellement envisager un paiement pour cet acte, mais comme tout est automatisé et que Monsieur le banquier gagne sa vie grâce à mon argent, cet acte est logiquement gratuit. Mais s’il n’y a pas de main droite, avoue, cher Crédit Mutuel, qu’il serait bizarre, pour ne pas dire complètement stupide, que le banquier prenne la pièce si c’est pour la remettre dans la même main. En plus, toi, tu en profites pour me faire les poches en récompense de ce non-acte. Avoue que c’est difficile à avaler.
Et d’ailleurs, puisqu’il a été débité, cet argent, où est-il allé, pendant 4 jours ? Parce que bien que l’article L133-9 du Code monétaire et financier t’autorise à le garder 3 jours, ce dont on aimerait bien connaître la réelle justification d’ailleurs, il n’y a aucune raison pour que tu gardes l’intégralité de ce virement, bien au chaud dans un fond à toi. En effet, figures-toi que les informations entre les banques ne circulent ni plus ni moins qu’à la vitesse de la lumière, via ce qu’on appelle la fibre optique. Mais faisons comme toi, cher Crédit Mutuel, et essayons donc de raisonner avec un peu de mauvaise foi.
Il faut dire que les informations bancaires, c’est hyper lourd, et le transfert d’informations par internet, ça prend du temps. Toutes les informations, tel que le montant du virement, les 2 noms et numéros de compte, ainsi qu’une grosse clef de chiffrement à courbe elliptique digne de la NSA, font au moins 4 ko. En plus, c’est vrai que tu as l’habitude du trading à haute fréquence pour tes spéculations boursières qui traversent la manche longue de 400 kilomètres en quelques millionièmes de seconde, mais pas les 6,4 kilomètres qui séparent les deux banques de notre affaire. Et puis, dans ces deux patelins, il n’y a que 44.000 habitants. C’est la campagne, ils sont primitifs là-bas, et doivent vivre comme il y a 20 ans, encore avec des modems 56 kb/s, probablement. Pour envoyer l’ordre de virement, et après calcul, il faudrait donc au moins… une demi-seconde ! De toute façon, c’est sans doute de la faute de la Banque Postale, destinataire du virement, avec leur serveur tout pourri fait d’un vieux Raspberry Pi à 30,00 €. Ils ne sont sans doute pas sérieux comme toi. Et puis, s’il faut attendre que Monsieur le facteur en personne il vienne débugger le serveur le mardi suivant entre 14h30 et 15h30… Logique.
Aussi, pour qu’une opération simple comme celle-ci puisse m’être facturé 5,35 €, j’y vois trois raisons potentielles:
N°1 – C’est une erreur de ta part. Bah, oui, les erreurs de débits, chez toi, c’est assez régulier. Une fois que le client ouvre un peu sa gueule et balance les menaces de se tirer, tu fais généralement l’effort de rembourser derrière. Cependant, je t’invite à embaucher quelqu’un à la programmation de tes logiciels internes. Je connais bien quelques jeunes diplômés capables de faire également des erreurs en faveur du client pour changer.
N°2 – On dit que le vol en bande organisée, ça connaît les banques. Alors, à force de piquer le pognon des gens à coup de milliards, on finit par banaliser le retrait de petites sommes. C’est devenu comme une seconde nature. D’ailleurs, tu prévois peut-être de changer le nom de « Crédit Mutuel» en «Débit Perpétuel». Et puis, tu te dis sûrement qu’il faut bien tenter de mettre un peu d’argent de côté, pour les coups durs, histoire de payer les avocats, si jamais, un jour, la plèbe décidait de revenir te piquer le cul à coup de fourche.
N°3 – Il y a quelqu’un qui valide chacune des transactions inhabituelles à la main. Une personne probablement ultra-compétente, probablement un courtier venu spécialement de Wall Street pour dépanner, ce qui fait de sa performance hors normes du doigt enfoncé sur un bouton le clic le plus cher de l’histoire bancaire.
En conclusion, très cher Crédit Mutuel (car oui, tu me coûtes très cher), je t’envoie ci-joint la facture totale de ce que tu me dois. À savoir la somme de 5,35 €, ou bien, et à la vue du temps passé à écrire cette lettre, et considérant le nombre total de caractères dans cette lettre dont on peut estimer la vitesse à celle d’un clic, la somme totale de 82.159,95 €. (Et une chaîne Hi-Fi.) Je te remercie de bien vouloir procéder au règlement de ta dette dans les plus brefs délais. Normalement, tu as mon RIB.
Aussi, cher Crédit Mutuel, tu me donnes le LA. Oui, LA décision de te quitter, et de te retirer, dès que possible, toutes mes économies. Car, quit à me faire truander, autant que ce soit pour la fermeture définitive de mes comptes.
Avec mes dernières salutations.
Thierry BOUILLET
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