Le 56e Festival International du Film d’Animation d’Annecy était le théâtre de puissants coups de gueules sur le « statut junior » Vous n’y comprenez rien? Vous n’êtes pas seuls. Explications.

L’intermittent du spectacle est une espèce curieuse. Il connaît rarement ses droits, et s’occupe peu de politique. Alors le monde évolue sans lui. Et ce n’est sans doute pas ceux qui le font tourner qui vont s’en plaindre.

Qu’est-ce que le SPFA? Pourquoi leur projet provoque la colère des étudiants et professionnels de l’animation? Quel couturier est derrière le coup de gueule orangé des intermittents? Et surtout, comment les accréditations du Festival d’Annecy ont représenté une menace sécuritaire pour le président François Hollande? Il faut être honnête: parler de convention collective, de syndicats, et de producteurs, ce n’est pas ultra sexy… Mais je vais essayer d’expliquer le problème simplement, comme si je devais l’expliquer à ma mère. Et elle ne capte que dalle ma mère! #BonjourMaman.

Carton Orange pour le SPFA

SPFA pour Syndicat des Producteurs de Films d’Animation. Un groupement patronal composé de grosses têtes productrices de films d’animation qui cherche à renouveler la convention collective. Vous savez, ce document de 250 pages sur lequel tout le monde s’appuie mais que personne ne lit. Un document qui vient compléter le code du travail, et qui définit clairement les règles à appliquer en France dans les entreprises qui travaillent dans le domaine de l’animation: congés, grilles de salaires, formations, responsabilités, soumissions masochistes, etc…)

Ce projet s’explique suite à la loi Rebsamen, il y a un peu plus d’un an, qui visait notamment à restreindre les conditions d’accès au CDDU, Contrat à Durée Déterminé d’Usage, qui permet d’accéder au régime de l’intermittence. Une refonte des dénominations de métiers et grilles de salaires qui s’avère effectivement nécessaire, puisque le milieu a beaucoup évolué en quelques années, surtout en ce qui concerne les « nouveaux » métiers de la 3D. Oui, il serait temps de faire quelque chose! Si on pouvait éviter de faire n’importe quoi par contre, ça pourrait être pas mal…

Je crois que cette vidéo de l’AECA (Association des Étudiants en Cinéma d’Animation) pose bien le problème.

Cela représente un manque total de clairvoyance des réalités du milieu, où il suffit généralement de tendre l’oreille pour entendre les seniors s’inquiéter de voir des jeunes arriver toujours plus nombreux et mieux formés qu’ils ne l’ont jamais été, principalement faute de moyens à leur disposition à l’époque. En arrivant sur le marché du travail, un jeune diplômé n’a pas les lacunes techniques et artistiques qu’on voudrait bien lui faire croire, et pas plus de mal à s’adapter à l’entreprise qu’un intermittent expérimenté dans un nouveau studio, surtout après une période de stage.

Dans l’ensemble, on a donc affaire à une dévalorisation générale des rémunérations sous des prétextes plutôt douteux. Le SPFA refusant même que les minima actuels restent la base. C’est ainsi que les étudiants et professionnels de l’animation se sont regroupés sous l’AECA et le collectif Velma de Troy pour manifester leur mécontentement en criant « SPFA, Arrête ton cinéma », tout de orange vêtus et d’autocollants « Anime-toi » collés aux fesses.

Le même jour, François Hollande, alors en visite surprise au MIFA ( la partie professionnelle du festival, où se rendent étudiants et professionnels pour se rencontrer, démarcher les entreprises de l’animation, pour signer des contrats, trouver un emploi, etc…) a fait connaître d’un peu trop près son service de sécurité. Portiques de sécurité, fouilles au corps à défaut d’attouchements amoureux, snipers sur les toits, reconduite à la frontière de toute personne portant du orange… On a beau comprendre que l’impopularité du président venu faire un coup de com’ fasse frissonner son service de sécurité: Bonjour la parano! On saluera les organisateurs du festival qui ont dignement laissé les manifestants s’exprimer et se sont adaptés du mieux possible.

Le festival terminé, il reste beaucoup à faire. À commencer par s’informer plus en profondeur sur nos droits. Pour cela, je vous invite à visiter les sites de Velma de Troy, « JeConnaisUnEmployeur« , le site de l’AECA, pourquoi pas du SPFA, et à prendre possession de la convention collective. Discutons, informons, débattons, au risque d’en être mal-aimé s’il le faut.

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